Yann Legouis (né en 1987) et Baptiste Manet (né en 1988) sont diplômés de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville (Ensa-PB) respectivement en 2013 et 2012, et créent Sapiens Architectes en 2018 à Paris, Montpellier et Valojoulx. Baptiste Manet est titulaire du diplôme de spécialisation et d’approfondissement (DSA) Architecture et patrimoine à l’Ensa-PB en 2019, où il enseigne depuis, et cofondateur de la revue Cosa Mentale (devenue maison d’édition en 2015). Sapiens Architectes a remporté le prix européen Best Architects Awards en 2019.
Le portrait
Sapiens a fait le choix d’exercer loin des grandes villes et métropoles, dans ces territoires périurbains et ruraux où maisons pavillonnaires et autres produits immobiliers se vendent clés en main et finissent par altérer les paysages et leurs constructions vernaculaires. Au-delà d’un attachement affectif, on décèle chez Yann Legouis et Baptiste Manet une forme de militantisme à transmettre un désir d’architecture, là où cette dernière « est vécue comme un luxe et le recours à un architecte comme une fâcheuse obligation légale ».
La marge de manœuvre est ténue. Pas de fantasme sur les circuits courts ou les techniques constructives alternatives, il leur faut composer avec les conditions du réel, les matériaux industriels banals, les savoir-faire standardisés. C’est justement en prenant acte de cette économie du temps présent qu’ils parviennent à développer un langage architectural tout à la fois enraciné dans cet héritage culturel et porteur de contemporanéité.
Le socle de leur travail s’appuie sur un corpus de références savantes, qu’ils croisent avec un inventaire photographique à même le terrain, engagé avec Cyrille Weiner et Giaime Meloni, pour honorer ces architectures sans architectes. Cet atlas est une manière de se nourrir, de partager un vocabulaire commun avec le client, d’échanger aussi plus facilement que sur la base des pièces graphiques de l’architecte. Il éclaire la dimension contextuelle de leurs propres réalisations, dans une recherche d’équilibre entre les ressorts constructifs d’une époque et l’exigence portée au dessin et à la mise en œuvre de la construction.
Les architectes abordent chaque projet avec la même intensité, concédant questionner le processus jusqu’au dernier moment. Ils aiment tisser des alliances avec d’autres disciplines et pratiques pour l’enrichir. Après une expérience de plusieurs années dans des agences parisiennes (Philippe Prost et Pierre-Louis Faloci) où ils travaillaient sur des opérations d’envergure, ils ont presque dû réapprendre le métier pour appliquer la même rigueur à ces chantiers du monde rural. L’approche y est plus empirique, la capacité d’adaptation permanente, la pédagogie essentielle. Ces conditions requièrent de cultiver une relation empathique avec leurs interlocuteurs, de désacraliser la figure de l’architecte, parfois surplombante.
Leurs projets sont une histoire de personnes qu’ils racontent facilement. La leur est celle d’une amitié commencée sur les bancs de l’École d’architecture de Toulouse avant de rejoindre la capitale. La convergence de leurs points de vue intellectuels et culturels n’a jamais failli malgré la distance de leur triple implantation. S’il en est un qu’ils défendent haut et fort, c’est bien celui de « faire campagne pour l’architecture ». Ils répondent ainsi à des appels d’offres où la présence de l’architecte n’est jamais sollicitée, à l’exemple des hangars de stockage de sel qu’ils réalisent aux abords des péages d’autoroute. Au charpentier de Valojoulx, qui vend sur catalogue des chalets décontextualisés, ils ont spontanément proposé des typologies de maison inspirées de formes archétypales locales et économiquement compétitives. Leur ligne de front : reterritorialiser une architecture devenue hors-sol.
La citation
« Dans ces territoires excentrés, fragilisés par la globalisation, il nous faut composer avec le réel, il nous faut “faire campagne”, pour l’architecture. »
Le projet : Chambres d'hôtes et résidence d'artistes
C’est au milieu des grands chênes, dans un de ces paysages du Périgord noir, que la maire de Valojoulx a souhaité créer, après sa vie politique, un lieu créatif et contemplatif pour recevoir visiteurs et écrivains. Pour que ce moment devienne une expérience à part entière, Sapiens propose un séjour en immersion totale dans les frondaisons des bois. La topographie du site est mise à profit pour dissimuler partiellement le gîte depuis la voie communale et l’ouvrir pleinement au sud. Les parties communes à l’étage semblent comme en suspension dans la canopée. Depuis les chambres à rez-de-chaussée, cette nature compose autant de tableaux en mouvement. La préexistence du hameau voisin a déterminé la géométrie en forme de longère, la structure en charpente bois et le matériau des murs pignons : une pierre de récupération qui confère à la maisonnée un aspect monolithique sous certains angles de vue. Le bâtiment s’ancre dans son époque par l’écriture de ses baies vitrées et leurs menuiseries en aluminium anodisé, sa rive de toiture en bois filante et sa toiture en fibrociment ondulée dont la teinte et la patine s’harmoniseront avec les vieilles lauzes alentour.
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Contact
Sapiens Architectes
146, avenue Parmentier 75011 Paris
3, avenue Castelnau 34090 Montpellier
La Poularie 24290 Valojoulx
06 33 22 39 71 / 06 73 10 13 94
contact@sapiens.archi
www.sapiens.archi@sapiens_architecte
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Fiche technique
Lieu : Valojoulx (24)
Programme : Chambres d’hôtes et résidence d’artistes
Maîtrise d’ouvrage : Société Les Grands Chênes
Maîtrise d’œuvre : Sapiens Architectes (mandataires) ; Atelier Leymarie Gourdon (architectes d’intérieur associés)
Budget : 250 000 € HT
Surface : 180 m2
Calendrier : 2018-2021