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L’entre-deux barres : une ethnographie de la transformation des ensembles de logements collectifs par leurs habitants : [colloque]

La production de « Grands ensembles » après la 2nde guerre mondiale fut l’un des premiers actes de la globalisation urbaine. Cette forme d’habitat et d’urbanisation s’est disséminée en Afrique, Amérique Latine, ex-Europe de l’Est et de l’Ouest, en Asie, aux USA…, selon des filières à la fois géopolitiques (glacis soviétique, Françafrique…) et exportatrices (du procédé de préfabrication Camus au microrayon soviétique par exemple), ainsi que par la puissance du processus de standardisation des sociétés industrialisées. Les grands ensembles ont été l’une des matrices des mondes urbains contemporains. Comment leurs habitants ont-ils vécu l’imposition de ce modèle formaté et hégémonique ? Comment ont-ils entrepris de transformer ces quartiers, selon les sociétés, les gouvernances, les climats, les lois, les flux migratoires ? Cinquante ans après la publication de l’ouvrage de Bernard Rudofsky, Architecture Without Architects : A Short Introduction to Non-pedigreed Architecture (1964), le colloque L’entre-deux barres a l’ambition de commencer à ajouter un chapitre urbain à cette ode aux bâtisseurs anonymes, en considérant les « faiseurs de ville » qui oeuvrent dans les marges de la ville moderniste. Vecteurs du projet moderne, ces formes urbaines imposées que furent les « grands ensembles » ont moins souvent suscité l’adhésion que la résistance, l’appropriation, la rectification des habitants. La ville d’avant a pu résister, ressurgir, parfois spectaculairement à travers les initiatives populaires. Nombre de grands ensembles ont ainsi évolué au rythme pendulaire de la production de lieux de vie par les habitants et de la reprise en main des mêmes espaces par les autorités. Cette production inventive “hors norme” s’est développée en réaction au modèle mondialisé de la Modernité. L’entre-deux barres est un espace-temps de résistances populaires au projet moderne, d’inventions sociales et spatiales qui en contredisent les principes, en corrigent les erreurs et les impensés. Aujourd’hui, le discours et la plupart des opérations portant sur cet héritage architectural et urbain sont ceux de la conservation (rénovation et/ou patrimonialisation) ou de la destruction. Partout dans le monde, les opérations d’urbanisme tendent à re-moderniser, par l’effacement des traces : en Mongolie, au Vietnam, au Sénégal et aussi en France. La ville planifiée reprend le dessus, reproduit une énième tabula rasa, remet en ordre ce « désordre » issu de la pratique habitante, produit d’une urbanité sans urbaniste. Face à ce retour du modèle moderniste, le thème central du colloque est l’examen de la production dite informelle de la ville qui s’est développée et se poursuit, entre deux barres, à travers la présentation de cas d’études, venus des cinq continents, étudiés par des équipes d’architectes et d’anthropologues. Comment se produisent ces pratiques culturelles et sociales qui inventent, « rattrapent », transforment ? Que nous disent-elles, par leur résistance renouvelée, de la production des mondes urbains contemporains ?