Patrimoines en résistance
De Tombouctou à Odessa
De Tombouctou à Odessa, de Bâmiyân à Gaza, les conflits armés font du patrimoine une cible privilégiée. Face à ces destructions, l’exposition Patrimoines en résistance interroge les gestes d’effacement, mais aussi les formes de résistance et de réparation qui permettent de penser l’avenir à partir des ruines.
En 2012, la destruction des mausolées de Tombouctou, inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, marque un tournant historique : pour la première fois, l’anéantissement volontaire de monuments culturels est qualifié de crime de guerre par la Cour pénale internationale. Une mobilisation internationale sans précédent s’engage alors pour reconstruire les sites détruits, en s’appuyant sur les fouilles archéologiques et la mémoire des artisans maliens.
Si la guerre a toujours entraîné des destructions, le début du XXIᵉ siècle révèle une intensification et une systématisation des atteintes portées au patrimoine culturel et naturel. L’exposition met en lumière cette réalité contemporaine et pose une question essentielle : comment la guerre révèle-t-elle ce qui est irrémédiablement perdu, tout en faisant émerger les gestes de résistance qui rendent possible une réparation future ?
À travers un ensemble remarquable de cartes, textes, maquettes, photographies, vidéos, œuvres contemporaines et répliques numériques réalisées par Iconem, l’exposition propose un parcours en trois séquences. Conçue comme un grand reportage, elle tisse un récit documenté, visuel et sensible, croisant les regards d’architectes, d’artistes, de chercheurs, d’acteurs de terrain et de témoins.
Les trois séquences de l’exposition
Effacer
La destruction du patrimoine prend aujourd’hui des formes multiples : dynamitage de sites emblématiques, bombardement massif de villes, abandon délibéré de territoires, pillage et trafic de biens culturels. Cet effacement touche aussi les patrimoines ordinaires et immatériels, à travers les déplacements de populations, le « nettoyage culturel », l’urbicide, le ruricide ou l’écocide. Loin de l’image d’une guerre « propre », ces pratiques révèlent l’ampleur des violences infligées aux lieux et aux sociétés.
Résister
Face à l’effacement, des formes de résistance émergent. Aux côtés des grandes institutions internationales, ONG, associations, collectifs de citoyens, d’architectes et de chercheurs agissent pour protéger, documenter et transmettre le patrimoine menacé. Sur les terrains de conflit, chaque geste du quotidien, chaque récit, devient un acte de résistance, contribuant à préserver la mémoire et à soutenir la survie physique et psychologique des populations.
Réparer
Au XXIᵉ siècle, la réparation post-conflit dépasse la seule reconstruction matérielle. Elle engage une approche globale, attentive aux territoires, aux corps et aux esprits. Réparer, c’est aussi « refaire société », reconstruire des liens, transmettre des savoirs et inscrire la mémoire au cœur des processus de renaissance. Le patrimoine devient alors un levier essentiel pour penser un avenir commun, en continuité avec le passé et le vivant.
Informations pratiques
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Commissariat
Élisabeth Essaïan, DPLG architect, PhD in Architecture, and Associate Professor of Architectural and Urban Design Theory and Practice (TPCAU)
at the École nationale supérieure d’architecture de Paris-BellevilleMathilde Leloup, political scientist, Associate Professor of Political Science at the Institute of European Studies, Université Paris 8, and Deputy Director of the CRESPPA research center
Yves Ubelmann, architect specializing in 3D digital surveying of sites, particularly archaeological sites