Sur la plage de Deauville, on a déposé deux architectes chevronnés, munis d’un lot de pelles, râteaux, seaux et cordes, et le photographe. Trois ou quatre heures plus tard, le temps d’une marée montante, l’histoire, forcément, s’achevait. Un projet imaginé par Martine Tina Dassault.
L’expérience a duré six mois. Chaque semaine ils revenaient. C’était à la fois un jeu, et un défi. Il fallait tout capter de leurs tâtonnements, de leurs certitudes, de leur fatigue aussi, et de leur joie. Le photographe omniprésent saisissait leurs instants. Mission sable, sable absolument, sable seulement, aucun adjuvant au matériau, mais aucun thème : création ouverte. Mission architecture, construire dans un espace temps très court avec les paramètres inéluctables de la friabilité et de la marée.Construire sur le sable, matériau magique aux relents d’enfance, n’est pas tant se prêter à un jeu que se confronter à l’inexorable. C’est susciter des solutions pour rendre le rêve possible, composer avec la matière, faire, envers et malgré. Gagner sur le temps. Pactiser avec le temps.
Se posait non seulement la question technique du matériau et du terrain, mais du devenir de leurs créations : pour la première fois, ils bâtissaient une fin programmée, une fin contenue dans l’histoire, depuis la naissance de l’ouvrage à sa ruine, et à sa disparition.
Très vite on a vu que l’un construisait des villes, des grands-places, et l’autre des bâtiments, des aqueducs, des canaux, des murailles, et des monuments. Non loin l’un de l’autre, leurs territoires parfois se côtoyaient, s’imbriquaient dans une jubilation et une connivence amusée.
Ils renouaient avec les gestes immémoriaux du bâtisseur. À genoux dans le vent, le sable leur filait entre les doigts. Armés de pelles et de truelles, ils délimitaient leur territoire, évaluaient la solidité, traçaient, creusaient, moulaient. Mettaient en forme et donnaient vie à l’idée.
Le combat était inégal et somptueux. À la fin de chaque histoire, la dilution dans l’eau, l’engorgement, l’effritement étaient les moments magiques. Ils avaient mesuré l’exacte victoire de l’eau, imaginé par avance son passage en force. L’eau suivait le chemin rêvé. La submersion était bientôt accomplie, mais la défaite était provisoire. L’idée
était consignée.
Informations pratiques
Rue haute
45 avenue du Président Wilson
Paris 16e
Métro Trocadéro ou Iéna
Ouvert du mercredi au dimanche
de 11h à 19h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h
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Deux architectes et un photographe
Antoine Grumbach, architecte urbaniste
Dominique Châtelet, architecte urbaniste
Michel Tréhet, photographe
Martine Tina Dassault, curateur