Benjamin Cros (né en 1985) et Rémy Leclercq (né en 1986) sont diplômés de l’École nationale d’architecture de Paris-Belleville en 2011. Benjamin Cros avait auparavant étudié à l’EIVP pendant deux ans. Ils créent leur atelier à Toulouse en 2017 après avoir travaillé en agence à Paris de 2011 à 2015. En 2018, ils sont lauréats du prix de la Première Œuvre décerné par AMC-Le Moniteur pour le restaurant scolaire Notre-Dame à Pamiers, dans l’Ariège.
Le portrait
Le hasard fait parfois bien les choses. Il a fallu que ces deux jeunes adultes originaires de la petite ville de Pamiers entament leurs études d’architecture à Toulouse pour se rencontrer. Depuis, à l’exception d’une parenthèse où chacun a travaillé dans une agence parisienne — l’un chez Charles-Henri Tachon, l’autre chez daarchitectes —, Benjamin Cros et Rémy Leclercq tracent leur chemin ensemble. Sans doute la décision la plus importante a-t-elle été de revenir dans les paysages de leur enfance pour leur première commande, une salle de restauration scolaire. Le choix de cet ancrage local cristallise le besoin de s’engager auprès des territoires dépourvus de moyens, avec cette belle idée que « l’architecture trouve partout et auprès de tous une place, pour se revendiquer comme nécessité et non comme privilège ».
Les deux associés évoquent un voyage au Portugal, et l’émotion ressentie en découvrant l’aménagement balnéaire de Leça da Palmeira d’Alvaro Siza. Ils admirent l’extraordinaire capacité de l’architecte d’attirer la lumière sur des sites en déshérence et pourtant évidents de beauté, de les transcender en des lieux que rien ne dénaturera tant leur puissance, leur qualité d’usage et leur rusticité l’emportent sur tout. Un souvenir parmi d’autres qui les a confortés dans leur résolution, avec ce désir d’importer cette manière de faire.
Dans ces communes à l’écart des grandes villes, il est beaucoup question de patrimoine, un terme qui leur paraît galvaudé car il amène à classer ou à reléguer selon des critères de valeur à leurs yeux discutables. Or il suffit de l’observer sans a priori pour déceler ses qualités et son potentiel de mutation, pour l’envisager comme une matière à projet. Pourquoi ce clivage entre l’architecture du patrimoine d’un côté et l’architecture contemporaine de l’autre, quand il faudrait au contraire favoriser les interpénétrations ? Ils évoquent la citadelle Vauban de Mont-Louis sur laquelle ils interviennent, où les casernements n’ont pas droit au classement. Le regard n’a pas de limites administratives selon les architectes. Chaque site est un substrat qui mérite attention, chaque programme, une opportunité pour le rendre plus lisible.
Marqués entre autres par les enseignements de Laurent Tournié et Pierre-Louis Faloci, ils croient en la force de la coupe. Leur sensibilité pour la matérialité ne doit pas occulter ce travail sur la spatialité et la lumière. Il les porte aussi à privilégier la maquette comme outil, ne serait-ce que pour débloquer parfois certaines impasses. Pour les aménagements sur le promontoire du château de Foix, cette visualisation a fait comprendre la pertinence de leur solution : scinder l’ascension mécanique en deux temps pour la fusionner aux enrochements. Pour faire advenir l’architecture, il faut accepter une lente maturation faite d’engagement, de persévérance et de doutes ! S’ils s’estiment heureux d’être retenus sur des concours, le rythme qu’ils imposent suscite des résolutions rapides qui engagent pourtant sur le temps long. Le moment semble venu de réfléchir à d’autres stratégies d’action possibles, pour agir plus utilement encore dans ces territoires où elle reste un impensé.
La citation
« L’architecture a son propre langage. Le dessin, la matière et le temps sont là pour la révéler. »

Restructuration de l’ancien palais comtal en musée et aménagement d’un parcours d’accès à la terrasse panoramique du château, Foix (09), 2020 (livraison 1ère tranche) Cros & Leclercq Architectes, Benjamin Cros et Rémy Leclercq. Architectes cotraitants : Antoine Dufour.
Le projet : Musée et parcours patrimonial
Emblème de la ville sur son piton rocheux, le château de Foix s’enrichit d’un parcours aux articulations minutieusement dessinées pour se fondre dans la géologie et l’histoire du site. La séquence déroule un parvis urbain en continuité avec l’espace public qui accède par des emmarchements à un nouveau musée dans le Palais comtal. La restructuration de ce bâtiment du XVIIe siècle (et ses extensions successives) met d’emblée en scène l’omniprésence de la roche depuis une faille qui traverse tous les niveaux. Pour accéder à la terrasse panoramique du château, le chemin se double d’un ascenseur dont l’intégration a fait l’objet de plusieurs hypothèses. Moins invasif qu’une percée en tunnel dans les enrochements ou que le funiculaire envisagé par la maîtrise d’ouvrage, il est scindé en deux greffes adossées à la paroi. La première, aujourd’hui réalisée, témoigne du travail raffiné sur la matérialité. Par sa teinte, le grain plus ou moins dense de la pierre locale et ses finitions bouchardées, piquées ou brossées, le béton de site coulé par passes successives se fond subtilement dans les enrochements.
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Contact
Cros & Leclercq Architectes
15, place Saint Georges 31000 Toulouse
06 09 62 83 55 / 06 61 57 15 52contact@cros-leclercq.com
www.cros-leclercq.com@cros_leclercq_architectes
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Fiche technique
Lieu : Foix (09)
Programme : Restructuration de l’ancien palais comtal en musée et aménagement d’un parcours d’accès à la terrasse panoramique du château
Maîtrise d’ouvrage : Conseil départemental de l’Ariège
Maîtrise d’œuvre : Cros & Leclercq Architectes, mandataire ; Antoine Dufour Architectes (cotraitant) ; Betem (BET structure) ; Technisphère (BET fluides et thermique) ; Alayrac (économiste)
Budget : 5 093 000 € HT
Surface : 2 263 m2
Calendrier : 2016-2020 (1re tranche livrée)